Entrevue avec John Sims

par Thomas Cromwell

septembre 2017

John Sims

John Sims a récemment été nommé membre de l’Ordre du Canada pour son engagement à l’égard de l’accès à la justice et pour son leadership respecté et fondé sur des principes en sa qualité de haut fonctionnaire. Depuis qu’il a « pris sa retraite » à titre de sous‑ministre de la Justice et de sous‑procureur général du Canada, John a mobilisé son énergie et mis à profit ses nombreuses compétences pour améliorer l’accès à la justice. Il a accepté de répondre à certaines de mes questions afin de souligner cette importante reconnaissance. J’espère qu’il servira de modèle à bon nombre d’entre vous et que nous pourrons bénéficier de ses précieux conseils.

TC — Au cours de votre longue et brillante carrière, vous avez eu l’occasion d’examiner la question de l’accès à la justice selon divers points de vue. La nature du problème a‑t‑elle évoluée au fil du temps et, dans l’affirmative, de quelle façon?

JS — Oui, notre compréhension des questions de l’accès à la justice a beaucoup changé au cours des dernières années. Il n’y a pas si longtemps, rares étaient ceux qui parlaient d’accès à la justice. Dans un laps de temps remarquablement court, toutefois, nous sommes passés d’une vague connaissance des questions d’accès à la justice à une bien meilleure compréhension de la nature et de l’étendue des problèmes. Non seulement nous voyons les obstacles (la complexité, les coûts et les cloisons du système de justice), mais nous voyons aussi plus clairement les occasions de les surmonter.  

Nous savons que l’accès à la justice est bien plus qu’une simple question d’avocats, de tribunaux, d’aide juridique ou de pro bono. Tous les intervenants principaux du système de justice élaborent actuellement des initiatives pour surmonter ces obstacles, à une exception près : le public lui‑même. Nous n’avons pas encore trouvé comment inclure le public dans ces efforts, bien qu’une campagne soit actuellement en cours pour mieux sensibiliser la population et obtenir sa collaboration. Nous reconnaissons tous que les besoins et les expériences des utilisateurs du système de justice doivent être au cœur des efforts déployés pour améliorer l’accès à la justice. Nous faisons donc des progrès, mais lentement. Nous avons encore besoin de collaboration, de rayonnement, de l’engagement du public, de l’innovation et, bien entendu, de l’argent.

TC — Vous avez travaillé au projet Nouveau regard sur l’égalité devant la justice de l’ABC et siégé à son comité de mise en œuvre ainsi qu’au Comité d’action sur l’accès à la justice en matière civile et familiale. Les deux rapports étaient novateurs et ont été bien reçus. Mais qu’en est‑il ressorti?

JS — Il s’est passé beaucoup de choses. Les deux rapports ont permis de lancer une discussion nationale sur l’accès à la justice. Dans les discours, les conférences, les ordres du jour, les études universitaires, l’accès à la justice est un sujet d’actualité.  

Il y a également eu des actions concrètes. Par exemple, le Conseil des doyens et doyennes des facultés de droit du Canada a précisément cité les rapports lorsqu’il s’est engagé à verser 60 000 $ pour financer de nouvelles initiatives en matière d’accès à la justice dans leurs facultés. L’Université de la Saskatchewan les a également cités lorsqu’elle a mis sur pied CREATE, un centre d’excellence pour la recherche sur l’accès à la justice. L’ABC et l’Association des régimes d’aide juridique ont établi des normes sur l’aide juridique comme lignes directrices pour un système national d’aide juridique publique. De plus, l’ABC a publié une série de « bilans de santé juridique » pour aider la population à reconnaître et à éviter les problèmes juridiques très tôt. Les ordres professionnels de juristes ont également répondu en affirmant explicitement que la profession a le devoir de promouvoir l’accès à la justice et en élaborant activement des initiatives sur l’accès à la justice.

Le Conseil canadien des juges en chef et le Conseil canadien de la magistrature ont tous deux adopté des résolutions pour appuyer l’objectif voulant que 100 p. 100 de la population ait accès à la justice et pour s’engager à mener cet objectif à terme avec la collaboration d’autres organismes. Chaque province et territoire dispose d’un comité d’accès à la justice dont l’adhésion est générale et inclusive, et ces comités élaborent activement des activités concrètes en matière d’accès à la justice. Grâce au nouveau Réseau de recherche sur l’accès à la justice, il est plus facile pour un grand nombre d’intervenants de communiquer des travaux de recherche, des ressources et des renseignements sur les questions d’accès à la justice. Des centres d’innovation ont été mis sur pied à l’Université Ryerson ainsi qu’en Saskatchewan, tant au Collège de droit qu’au ministère de la Justice. L’an dernier, le Comité d’action a publié le premier rapport annuel sur les progrès réalisés en matière d’accès à la justice au pays, fondé sur les objectifs de développement en matière de justice.

TC  Si vous pouviez apporter un seul changement concret dans le système de justice en vue d’améliorer l’accès à la justice, quel serait‑il?

JS — Je serais tenté de répondre plusieurs choses. Presque tous les efforts en matière d’accès à la justice aujourd’hui sont déployés par des bénévoles au‑delà de leurs tâches officielles. L’injection de sommes d’argent même modestes permettrait d’accélérer la progression. Encourager davantage l’innovation est également essentiel. Toutefois, si je dois me limiter à un seul changement concret, j’inciterais tous les comités provinciaux et territoriaux en matière d’accès à la justice à expliquer clairement les résultats concrets qu’ils veulent atteindre chaque année et ensuite à fixer des objectifs quantifiables pour atteindre ces résultats. Il s’agit de la meilleure façon de traduire de vastes concepts nébuleux comme l’accès à la justice en des progrès tangibles sur le terrain. C’est très avantageux et ça fonctionne.

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